Les besoins

Alors que nous venions d’acheter du tissu pour la fabrication des serviettes hygiéniques, un ami népalais nous ramenait à la maison et pointa du doigt une ruelle remplie de petits magasins. « Tu vois cette rue ? », me dit-il avec tristesse, « une femme et son bébé y sont morts la nuit dernière dans une cave à cause du Chhaupadi ». Le cœur brisé, j’essayais de comprendre ce qui avait pu se passer. Les nuits n’étaient pas si froides à cette époque de l’année…  je n’osais alors imaginer les conditions dans cette cave qui ont pu conduire à un tel drame.
Depuis le jour de ses premières règles jusqu’à sa ménopause, une jeune fille hindoue vivra continuellement sous le joug du Chhaupadi.

La tradition raconte que la déesse Indra fit saigner les femmes en signe de malédiction. Durant toute la durée de ses menstruations, une femme est donc sous la malédiction et devient impure, intouchable, ne pouvant plus dormir dans sa propre maison, ou aller à l’école.

Tout ce qu’elle touche devient également impur ; elle ne peut donc plus cuisiner. Cela va aussi loin que de penser que si elle touche un arbre, il deviendra maudit et ne pourra plus porter de fruits.

Certaines tribus imposent également deux semaines de Chhaupadi aux mamans qui viennent d’accoucher de leur nouveau-né avant de les autoriser à rejoindre leur maison et leur famille.

Cette pratique humiliante entraîne bien souvent des séquelles psychologiques sur les jeunes femmes, et provoque des risques pour leur santé. Les conditions d’hygiène sont déplorables, et expose ces femmes à de multiples dangers, tels que le froid, la déshydratation, les morsures de rats ou de serpents.

A cause de leur isolement et de leur vulnérabilité, des jeunes femmes sont aussi victimes d’abus sexuels pendant le Chhaupadi. Chaque année au Népal, des dizaines de femmes et de bébés trouvent la mort durant leur isolement.

Bien que cette pratique fut rendue illégale depuis 2005, la tradition se perpétue dans la majeure partie du pays et la loi n’est pas souvent mise en application sur le terrain, cela est particulièrement vrai dans les régions montagneuses de l’Himalaya.

Il faudra du temps et beaucoup de courage pour que les femmes, avec leurs maris, osent s’affranchir de cette pratique qui est profondément enracinée dans leur religion.

À notre mesure, nous espérons contribuer par ce projet à faire bouger les lignes, à faire évoluer les mentalités, combattre la superstition par l’éducation et encourager ces femmes (et leurs maris) à arpenter de nouveaux chemins, chemins de vie et de meilleure santé, pour elles-mêmes et leur famille… une femme à la fois, un village à la fois.